Mini-ny Admin
Nombre de messages : 60 Age : 40 Date d'inscription : 07/05/2007
| Sujet: Née F., adoptée C., mariée G. Jeu 10 Mai - 22:59 | |
| Texte envoyé à Lydia, d'une personne pour qui elle a fait la médiation avec sa mère. - Citation :
- Je me souviendrai toujours de cette image là :
Lydia avec à ses côtés une dame , toutes les deux venant vers moi. Cette dame allait redevenir, au moins pour un instant, celle qui m'avait mise au monde il y a 36 ans.
Je vois sa silhouette d'abord, puis elle toute entière et son visage. Elle me parle d'emblée, me tutoie. Elle me questionne, à la fois dans le but de savoir si je suis vraiment celle que je dis, et peut être aussi pour se souvenir. Elle ne semble pas très bien se rappeler, en particulier elle a oublié la date de naissance. C'est un long épisode entre nous de tâtonnements, d'hésitations et enfin au décours du nom de l'assistante sociale qui s'est occupé d'elle, enfin elle semble se souvenir. Elle me demande aussi ce que je suis devenue, me questionne au sujet de mes parents adoptifs, de ma vie, si je suis mariée, si j'ai des enfants.
Et elle va m'expliquer, sans que je le lui demande, comme elle peut, le pourquoi du geste de l'abandon, et la suite pour elle « très difficile pendant des années ». Le discours est confus, comme a du l'être sa situation de femme seule, enceinte, sans appui. « On » lui a conseillé d'aller accoucher dans une maison maternelle. Elles étaient 17 à attendre cet heureux événement dans le plus grand secret. Elle n'en a jamais parlé ni à ses parents, ni à ses frères et sours, ni aux enfants suivants. La conversation se délie petit à petit, et assez vite, elle me propose de venir « moi et mon amie » manger chez elle dans sa maison. Son mari est au courant. Pas une seule photo chez elle. Au fur et à mesure, les détails sur sa vie affluent. Elle parle beaucoup d'elle. Comme je dois repartir, elle me donne deux petites mandarines pour mon voyage. Ainsi se termine ma quête, si mal comprise par les gens qui ne se sentent pas concernés.
Au vu de la difficulté d'approche de cette femme qui années après années s'est enfermée dans le secret, je dois beaucoup à Lydia d'avoir trouvé les mots pour l'aborder, et d'avoir réussi à l'ouvrir à ma rencontre malgré de si nombreuses années de silence.
Je regrette l'anonymat de cet accouchement : -pour moi, car ce furent de longues années de recherches, -pour elle, ma mère de naissance, car elle se retrouve dans une impasse, -pour nous deux, car le secret est toujours là, nous laissant dans une relation illégale, et même inexistante. Au regard de la loi, cette femme n'a jamais accouché nulle part de moi, et sous ce même regard de loi, je suis née, comme l'indique mon acte de naissance, de mes parents adoptifs, dans une commune bien éloignée de ma véritable commune de naissance. -pour mes parents adoptifs, car nos relations ont été loin d'être simples, tronquées d'un élément essentiel dont ils étaient loin d'imaginer la portée.
J'accuse cet anonymat de l'accouchement sous X de laisser advenir des situations de mal être et d'incohérence et de les minimiser. Je garde un souvenir amer de mon dossier DDASS passé au Blanco, de feuilles dont les « éléments identifiants » ont été soigneusement effacés avant d'arriver entre mes mains. J'entends encore les phrases culpabilisantes de gens mal informés : « Tu as été adoptée, c'est une chance / / Qu'est ce que cela change que tu sois née ici ou ailleurs ? / / Tu as été abandonnée, il faut accepter / / Bon, tu vas revoir ta mère, et puis ?/ / » Il y a aussi les moments difficiles passés à regarder des photos de naissance de personnes qui me les infligent sans comprendre à quel point cela m'est insupportable.
L'abandon et l'abandon dans l'anonymat sont deux évènements bien différents.
J'espère par mon témoignage contrer un peu l'incompréhension que suscitent ces recherches, et apporter une goutte d'eau au flux de résistance qui grossit face à l'accouchement sous X.
Moi, Née F., adoptée C., mariée G. | |
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